Jean-Christophe Chouin

Responsable sportif du centre de formation labellisé FFR, Stade Nantais Rugby

Comment s’assurer de l’attention et de la concentration de son groupe ?

Le climat d’apprentissage est un facteur important de la progression et de la performance des joueurs. Pour minimiser les risques d’inattention et de déconcentration, il y a pour moi plusieurs éléments à mettre en place pour l’entraineur :

  • la définition du cadre des entrainements : ce cadre immuable est défini durant le début de saison généralement : retards sanctionnés, droits et devoirs des joueurs et des coachs, organisation des entrainements, prise de parole de l’entraineur en début d’entrainement pour fixer les objectifs du jour et faire un rappel sur les derniers entrainements (bons ou mauvais), interaction impossible pendant l’entrainement avec les éléments extérieurs, moments “plus détendus” possibles entre deux situations ou au moment de s’hydrater, …
  • rythme de l’entrainement : plus on imprime du rythme et des courses dans l’entrainement, moins les joueurs auront la possibilité de s’éparpiller (remises en jeu rapides après sortie du ballon, briefings très rapides entre chaque exercice, multiplier les exercices pour plus de répétitions de la part des joueurs)
  • la difficulté des situations demandées : il faut toujours trouver le bon dosage entre trop dur ou trop facile et entre trop simple ou trop compliqué. Les joueurs sont comme tout le monde, ils se déconcentrent naturellement si la situation est connue ou trop simple et se décourage également si elle est, à leurs yeux, trop compliquée à réussir ou trop compliquée à comprendre. Donc, le mieux est de proposer des exercices inconnus mais pas trop compliqués à comprendre ou connus mais avec des variantes différentes pour les mettre en permanence en réflexion.
  • anticiper les comportements déviants : au bout de quelques temps, on connaît les joueurs qui peuvent amener à la déconcentration (deux joueurs à ne pas mettre dans la même équipe ou dans le même exercice, …) et le but est d’éviter que cela n’arrive en les gardant en ligne de mire.
  • attitudes générale de l’entraineur : la posture du coach est très importante (proche des actions, ne forcer la voix que si besoin est, concentré sur les objectifs à réaliser, …) et rejaillit forcément sur son groupe en termes d’attention et de concentration.

Combien de fois le même exercice doit-il/peut-il être répété avec son groupe ?

J’aurais tendance à dire “le moins possible” si on parle de reproduire exactement le même exercice d’un entrainement à un autre. En effet, rien de plus rébarbatif qu’un exercice qui est reproduit de façon régulière et d’ailleurs les jeunes nous le rappellent :”ah oui je connais”, “on fait encore celui-là”. Généralement, le niveau de concentration et d’application des joueurs s’en ressent. Cependant, reprendre la même base d’exercices permet de gagner du temps dans la compréhension d’une situation mais il faudra veiller à faire varier les comportements attendus, les rapports d’oppositions et la gestion de l’espace et du temps pour forcer les joueurs à rester concentrés et à développer leurs habiletés. A l’échelle d’un cycle de 6 semaines par exemple, une situations dite “référence” pourra être faite au début et à la fin pour mesurer les progrès des joueurs.

Par contre, pour qu’un joueur puisse être performant sur les situations de jeu, il doit nécessairement maitriser les gestes de technique individuelle de base (transmissions, duels offensifs, défensifs, jeu au pied, jeu au poste, …). Pour cela, la répétition d’un mouvement invariable est fondamentale pour l’apprentissage et je recommande des séries de 20 à 50 répétitions du geste. Ceci permet au corps de se fatiguer et donc demande plus d’exigence, d’application et de concentration au joueur pour maintenir une qualité de geste. C’est justement cette application dans le travail qui permettra au joueur de maitriser parfaitement son mouvement. On a coutume de dire que pour qu’un geste soit assimilé, il faut environ 10000 répétitions pour une personne lambda. Sur les situations ouvertes et les situations de lecture (offensives ou défensives), il est bien évidemment impossible d’atteindre de tels chiffres car la situation évolue en permanence par nature.

Faites vous un débriefing d’entraînement? Si oui lequel ? Quel est le point essentiel à noter ? Si il n’y a qu’un point à noter à la fin de l’entrainement lequel est-il ?

Le débriefing d’entrainement est fondamental pour la progression du groupe. Cela vise surtout à avoir le ressenti des joueurs sur la séance. La première question que je pose est généralement “Etes-vous fatigués ?” car je pars du principe qu’un bon entrainement est un entrainement où on court, on se dépense, on s’engage ce qui laisse le moins de temps possible à la “réflexion hors pratique sportive. Deuxième question “Avez-vous aimé, avez-vous pris du plaisir ?”, gage également de bonne séance en termes d’investissement personnel. Généralement le visage ne trahit pas les émotions sur cette question. Et enfin “Qu’avez-vous retenu aujourd’hui ?” Et là, c’est l’instant de vérité sur ce qu’on a proposé comme séance et sur ce qu’on a souhaité passer comme message et comme contenu… En espérant que les réponses données coïncident avec la volonté initiale de l’entraineur ! Cela doit durer maximum 5 min de manière collective et si besoin est, 5 min également avec un ou deux leaders du groupe en cas d’entrainement raté.

Quelle est la principale (première) action que vous mettez en œuvre lorsque votre équipe est en train de perdre en match ? Et lorsqu’elle gagne ?

Je dirais que dans les deux cas, l’action de l’entraineur est à peu près la même. En ce qui me concerne, la plupart du temps, j’observe et j’analyse le jeu de l’adversaire pour repérer les domaines dans lesquels ils excellent et leur projet de jeu ainsi que leurs failles. Ceci peut également être fait en amont du match à l’aide de vidéos par exemple, mais rien ne remplace le match avec les conditions de jeu (terrain, météo, arbitrage, …) qui peuvent être différentes. Je cherche donc à trouver les solutions aux problèmes posés par l’adversaire et les soumettre aux leaders de jeu de manière directe ou détournée en fonction du résultat (désavantage au score ou l’inverse). Le mieux étant bien évidemment que les joueurs réfléchissent et trouvent la solution mais des fois, il faut les aider ! De toute façon, le résultat du match ne sera que la conséquence du jeu proposé et l’adaptabilité que l’on a pu avoir en cas de match serré. Si défaite il doit y avoir, elle servira toujours à se remettre en question et repartir au travail et à progresser dans différents domaines. Et en cas de victoire, l’important sera de bien l’analyser (action d’éclats, supériorité technique, tactique, physique, malchance adverse) pour en tirer les bonnes conclusions auprès des joueurs.

Au niveau mental, bien évidemment, lorsque l’on gagne, l’objectif est de communiquer avec les joueurs pour continuer l’effort en cours, ne pas se relâcher, rester dans le projet de match établi en amont, rester lucide et concentré. Quand on perd, l’objectif est de leur faire comprendre que rien n’est perdu tant que le match n’est pas fini et qu’il faut être courageux et confiants en leurs moyens… ou alors les secouer s’ils sont en train de passer à côté de leur match. Dans le cas de grosses défaites, de petits objectifs de match peuvent être mis en place mais ce n’est pas toujours évident à faire, l’objectif est qu’ils se défendent jusqu’au bout en faisant preuve de courage et de fierté.

Comment aider un joueur en difficulté sur un match, sur une saison ?

Le plus important c’est dialoguer et d’échanger avec eux, qu’ils sentent qu’ils existent encore et que l’on compte sur eux même en cas de contre-performances. Le mieux étant d’échanger très régulièrement sur la saison avec eux et pas seulement quand tout va bien ou quand rien ne va. Sur un match, les deux ressorts les plus utilisés sont la vexation (critique de l’état d’esprit ou de la performance) ou la remise en confiance (faire des choses simples, valorisation de gestes positifs). Il est très important de bien analyser la personnalité du joueur et notamment son socle de confiance ainsi que ses failles pour utiliser telle ou telle méthode. Généralement, le premier ressort s’utilise sur des leaders ou des joueurs ayant beaucoup de tempérament, l’important est de bien doser pour ne pas les enfoncer mentalement ou les faire sortir du match. On recherche une amélioration immédiate qui est plus facile avec ce type de joueurs. Le second ressort s’utilise sur des joueurs ayant peu ou pas confiance en eux ou alors qui sont en plein doute actuellement. L’objectif est de les aider à construire leur socle de confiance en valorisant des petites “victoires” (passe réussie, geste défensif, duel gagné, …) pour que petit à petit le joueur progresse. Généralement, c’est un travail qui prend énormément de temps et il faut veiller aux mots que l’on choisit.

A l’échelle d’une saison, c’est un peu différent, il faut mettre en place des stratégies plus longues pour aider un joueur à rebondir, même contre son gré. On peut par exemple, le faire jouer avec une équipe de niveau inférieur pour qu’il reprenne confiance ou le changer de poste ce qui le remettra sur un processus de progression rapide, bon pour la confiance en soi. Dans ces deux cas, cela ne doit pas durer trop longtemps (2-3 matchs) sinon les effets seront pires que les maux (baisse de motivation, envie d’arrêt, …) et par moment, le changement de poste permet au joueur de décoller et de s’affirmer et d’être plus performant avec son nouveau poste.